Il est 5h15. Les appels de mon petit dernier me réveillent. Je venais à peine de me rendormir après la prière du matin. Au passage, prière accomplie à 4h30 dans un état de “zombitude” totale.
Vite vite que je lui amène son biberon avant qu’il ne réveille toute la maisonnée! Vite vite que je retourne sous ma couette ! Je lui donne son biberon et reviens dans ma chambre sur la pointe des pieds. Je me glisse sous mes draps en essayant de faire le moins de bruit possible. Je prie, je serre les dents en espérant qu’il se rendorme vite. 15 min plus tard, au moment où je me rendormais, j’entends de nouveau ses appels. Ma nuit est terminée. Il ne se rendormira pas. La journée commence (tôt) pour moi.
Aujourd’hui, il ne se réveille plus que 1 à 2 fois par nuit…El hamdoulilah, Dieu merci, il y a du mieux malgré le fait qu’ il se réveille à l’aube ! Pendant ses longs premiers mois, il se réveillait 5-6 fois par nuit. Des nuits chaotiques ! Surtout quand la grande se réveillait aussi ! Comment vous dire ? C’était épuisant ! J’ai essayé de survivre. J’ai aussi fait des choix à contre-cœur, comme arrêter de l’allaiter exclusivement car c’était trop. Je sentais bien qu’il se réveillait parce qu’il y avait le sein, même après l’avoir mis dans sa chambre à cinq mois. Rien n’y faisait.
Une fois bien réveillé et au salon avec lui , il crie pour tout ! Il crie pour dire qu’il est content (oui !), il crie pour dire qu’il n’est pas d’accord (ça, ça se comprend). Il jette tout par terre ! Et son papa qui dort ? Et sa grande sœur qui roupille encore et qui a besoin de son quota de sommeil sinon elle-sera-insupportable-toute-la-journée ! Quel stress pour moi ! En plus d’être réveillée à l’aube, je dois me soucier de préserver le sommeil des autres ! Double peine !
Vous pouvez imaginer mon état émotionnel dès le matin. C’est dans ces moments de grand désespoir et de stress que je répète inlassablement cette invocation: la hawla wa la qowatta illa billeh, il n’y a de puissance ni de force qu’en Allah. C’est durant ces moments que je comprends la profondeur de cette invocation. Oui, Seul Allah peut soulager ma peine. Alors, ô Allah allège mon épreuve ! Je me sens tellement impuissante ! Donne-moi la patience ! Je me sens tellement submergée. Donne-moi une ouverture ! Apaise mon cœur ! Je sens mon cœur si serré. Amine.
Et dans la journée ça continue, le petit déjeuner est pris dans une ambiance déprimante, une qui pleurniche pour tout (vous voyez cette façon de gémir qui vous exaspère), l’autre qui veut tirer et jeter tout ce qui se trouve sur la table en criant bien sûr ! Un peu plus tard, à peine habillée et toute propre, l’aînée nous fait pipi sur le tapis de sa chambre; dans l’après-midi, elle refuse la sieste, elle se débat, elle dessine avec un gros feutre sur le canapé du salon et là mes nerfs craquent littéralement : je n’en peux plus ! Je suis au bout de ma vie ! J’ai la rage. Je la regarde au fond des yeux et lui hurle dessus comme une hystérique ; je lui arrache violemment le feutre des mains et la jette dans son lit… et là je vois la terreur dans ses yeux d’enfant. Épuisée, je m’effondre en pleurs. Je m’en veux dans la seconde qui suit ! Je m’en veux pour plein de choses : d’avoir hurlé, de l’avoir violentée (ô mon Dieu ! je suis en train de l’abîmer), de ne pas réussir à me contrôler (mon nafs doit être terrible en fait !). Je me sens vraiment nulle, nulle, mauvaise mère. Et j’en passe.
Voilà à quoi ont ressemblé mes journées pendant des mois et des mois ! Des journées synonymes de fatigue, d’épuisement dès le réveil, de manque de sommeil, d’énervement, de colère trop forte, de larmes… et de culpabilité.
Je ne m’attendais pas à ça. Ça n’a pas facilité mon devenir mère, c’est le moins que l’on puisse dire. J’étais constamment épuisée, cernée, irritable, agacée par tout. Je m’en voulais de ne pas être patiente. J’étais un zombie… mais comment aurais-je pu faire autrement vu mon état de fatigue permanent ?
Je comprendrais ça plus tard. Ce n’est pas un manque de volonté de bien faire ou un manque de foi. Je n’étais pas dans un état physique normal. Tout simplement.
Une amie me disait que ce n’était pas pour rien qu’on utilisait la privation de sommeil comme moyen de torture. Oui, une évidence maintenant. Je suis persuadée que notre sentiment de maman “suffisamment bonne” (dixit Winnicott), de maman confiante, patiente, de bonne humeur dépend beaucoup de notre quantité de sommeil. Soyons honnêtes : nous ne sommes pas la même maman si nous dormons 6h d’affilée ou si nous nous réveillons 6 fois dans la nuit.
A plusieurs reprises, je pensais ne pas y arriver. C’était trop pour moi. J’avais juste envie qu’on me laisse tranquille, de ne plus voir mes enfants pendant quelques jours, de partir loin, et parfois même prendre un billet aller sans retour à Tataouine.
Un moral au plus bas qui m’a amenée à penser parfois que je n’aimais pas mes enfants. Je vois déjà certains d’entre vous bondir de leur chaise en lisant ces mots: quoi tu n’aimes pas tes enfants ?! Quelle mère indigne ! Pour Dieu, cessons cette hypocrisie ! Pour Dieu, arrêtons de nous voiler la face, de faire semblant. La mère parfaitement aimante n’existe pas. On est plusieurs à faire face à des sentiments ambivalents. Un jour on les aime nos enfants, et un jour on les hait. Je vous rassure, j’ai quand même consulté une psychologue pour comprendre ce qui se jouait en moi.
Et avec le temps, j’ai compris que ce ne sont pas mes enfants que je n’aimais pas, mais ce que je détestais c’est tout ce que leur existence a causé dans ma vie : le manque de sommeil, la fatigue quasi-permanente, les crises à n’en plus finir, les cris, jouer à des jeux bidons, gérer les rivalités, le coucher, les repas, le fait qu’ils dépendent de moi pour beaucoup de choses, le sentiment de perdre de mon élan, de ma liberté…c’est tout ça que je n’aimais pas.
Pourtant, j’aspirais à vivre autre chose avec mes enfants. Je voulais être un modèle positif pour eux, mais en attendant, je ne leur renvoyais que l’image d’une maman aigrie.
Je croyais que les autres mamans y arrivaient sauf moi. Suite à de belles rencontres, petit à petit, je comprends que je n’étais pas la seule. Beaucoup de mamans galèrent, subissent leur quotidien, trébuchent, tombent et se relèvent. Seulement, elles n’osent pas en parler, par honte, par pudeur parfois.
J’aimerais bien que cette période se termine et passer à autre chose. On me dit que ça va passer inchallah, qu’il viendra le jour où le foyer retrouvera une atmosphère plus apaisée, où chacun aura trouvé sa juste place. J’ai la conviction que ça va passer. J’ai espoir en Dieu. Il y aura certainement d’autres défis. Et en attendant, il faut que je prenne soin de moi.
Et Dieu merci, ça commence à aller mieux. On est en train de passer à autre chose même si c’est encore difficile. Je commence à être moins fatiguée. Je commence à éprouver du plaisir à être avec mes enfants, à jouer avec eux tout simplement et à leur dire des mots doux. Je pensais ne jamais voir arriver ce moment, ce moment où je peux dire, enfin, sincèrement et naturellement “je vous aime mes enfants”.
En les regardant jouer tous les deux ensemble et développer une belle affinité, je me dis “oui, on a franchi une étape” el hamdoulillah. Il y a encore des hauts et des bas, mais il y a du mieux, et surtout, je fais de mon mieux.
Je me sens de plus en plus confiante dans mon rôle de maman, de plus en plus compétente, de plus en plus cohérente. Et ça c’est précieux. Nous sommes perfectibles, el hamdoulillah.
Parfois envie de rire en lisant ton article, parfois de pleurer, mais je compatis et te comprends tellement Najat!!
« Et avec le temps, j’ai compris que ce ne sont pas mes enfants que je n’aimais pas, mais ce que je détestais c’est tout ce que leur existence a causé dans ma vie » , tellement important de prend-elle temps de comprendre ce genre de choses…
Merci🥰
🙂 Merci @Sousaha pour ton commentaire ! Et oui, on n’est pas les seules à vivre ces tempêtes émotionnelles avec nos enfants ! Une belle opportunité pour apprendre à nous connaître mieux.
Salam ‘Aleykoum,
Les sentiments violents à l’encontre de mes enfants j’en ai eu aussi. J’ai aussi mis du temps à comprendre que c’est la situation que je n’aimais pas, pas eux.
Merci Angie pour ton partage. ça fait du bien de savoir qu’on est pas la seule à avoir eu des sentiments ambivalents envers ses enfants !