A la recherche d’un moyen de garde pour mon enfant
Lorsque ma première fille a eu un an, j’ai eu besoin de la faire garder pour mes études. Connaissant le parcours du combattant que représente le fait de trouver une place en crèche ou chez une nounou, je m’inquiétais de nous voir repousser la recherche. Je vivais à ce moment à Ramallah (Palestine) et un mois avant la rentrée scolaire, nous commencions juste la visite des crèches.
A ma grande surprise, il y avait des places partout. Lieu, budget, profil : j’avais l’embarras du choix pour placer ma fille. Au mois, à la semaine ou même à la journée, faire garder son enfant ce n’est pas un « problème » en Palestine et pas seulement dans une ville mais aussi dans les villages où un minibus est affrété pour récupérer les petits de familles non véhiculées.
En plus d’un réseau très dense de crèches de petites tailles, on peut aussi compter sur ses proches. D’abord la famille, on sollicite beaucoup les grands-parents pour la garde des petits. C’est une évidence pour tout le monde et on estime que les bébés seront mieux avec grand-mère qu’en crèche. Mais il y a aussi les voisins, pour aider de temps en temps et il n’est pas rare non plus de trouver une femme qui propose à ses voisines d’immeuble de garder leurs enfants quotidiennement contre une petite rémunération.
Cette habitude est très répandue : confier son enfant pour aller faire des courses, pour aller à un mariage, en vacances etc. D’ailleurs les formes d’habitations encouragent ce système : dans un même immeuble, les appartements sont répartis entre les membres d’une même famille et les enfants peuvent rejoindre les grands-parents facilement. En retour, les grands-parents, les tantes et les oncles font partie du quotidien des enfants.
J’ai grandi dans un petit village en France où la maison de mes grands-parents était juste derrière la nôtre. Les souvenirs de ma grand-mère sont parmi les plus précieux de mon enfance et mes parents n’ont cessé de louer toute l’aide que cette proximité leur a apporté. Si mes beaux-parents ne pouvaient prendre en charge une garde quotidienne sur la journée entière, mes filles allaient plusieurs fois par semaine chez eux, un bonheur pour eux, pour mes filles et un bol d’air frais pour moi.
Les raisons de l’offre disponible en Palestine
Pour la Palestine, il me semble qu’il y a deux phénomènes qui expliquent cette habitude collective plus ou moins organisée de garde des enfants. D’abord, le mode de vie familial et villageois qui continue d’irriguer la société palestinienne. Les fils, lorsqu’ils se mariaient, bénéficiaient très souvent d’un appartement offert par les parents (c’est encore souvent le cas), ce qui permettait à la fois au jeune couple de mieux démarrer dans la vie mais aussi de maintenir une proximité forte entre les membres de la grande famille (parents, mais aussi oncles et tantes). De plus, nombres de Palestiniens étaient paysans et le travail de la terre oblige à une entre aide familiale où les tâches domestiques sont réparties entre tous les membres de la famille. Dans ce contexte, il était très courant d’être élevé par une grand-mère, une tante ou une voisine et pas seulement par sa mère.
Le deuxième phénomène est celui de la résistance au colonialisme israélien. Pour soutenir les familles de prisonniers, des combattants ou des martyrs, la famille élargie est une question de survie. Mais c’est aussi le moyen pour de nombreuses palestiniennes de participer à la lutte politique et notamment armée. Ainsi une militante palestinienne active dans les années 1980 m’expliquait leur stratégie d’ouverture de crèches pour permettre à la fois de diffuser des appels à la résistance mais aussi de recruter de futures activistes en permettant aux mères de confier leurs enfants. Aujourd’hui, les partis palestiniens à référence religieuse continuent de faire vivre cette pratique en proposant, dans leur réseau de charité, des crèches qui permettent aussi d’employer des femmes qui se retrouvent seules à soutenir leurs familles après l’arrestation ou la mort d’un mari, père ou frère.
Le paradoxe de la société française
En France, alors que l’idéologie dominante concernant les femmes est celle de « l’émancipation » par le travail salarié, le réseau des crèches est bien en dessous des besoins des familles et contribue à un modèle qui me semble de plus en plus ubuesque. Quand vous n’êtes pas femme au foyer pour des raisons personnelles ou économiques, vous devez trouver un travail qui doit couvrir des frais élevés de garde. Il faut donc un travail à temps complet avec des heures à rallonge et des enfants qui doivent du matin au soir être en garde. Si on reste à la maison et que l’on prend en charge le soin aux enfants, c’est souvent source d’isolement et le besoin de faire garder son enfant est perçu comme exagéré. Les modes de garde sur de petites durées sont très rares à trouver.
Repenser la garde d’enfant : tout le monde y gagne !
Pourtant le fait de confier son enfant à d’autres régulièrement ou non peut être pensé, comme je l’ai vécu en Palestine, un moyen de renouer avec sa famille élargie, d’agrandir l’horizon des enfants et pour les mères de participer à la vie collective. Que ce soit en renforçant nos liens entre générations mais aussi entre fratries, dans nos associations et même à partir de nos mosquées, les enfants peuvent être un point de départ pour reconstruire des liens collectifs. Nous pourrions ainsi mieux faire face à un individualisme rampant qui, s’il prétend nous offrir une certaine indépendance, plonge nombre de mamans dans une dépression qui affecte le foyer entier.
Dans le verset 233 de la Sourate AL Baqara (2), Allah swt mentionne le fait de confier son enfant en nourrice comme quelque chose d’acceptable. Il me semble qu’il faut être prudent sur notre manière d’aborder notre rôle de mère musulmane. Il est certes vital de refaire vivre la famille et le foyer du musulman face à une société minée par l’individualisme. Le système économique capitaliste dévalorise le soin aux petits comme aux anciens et détruit petit à petit tous liens sociaux qui ne produisent pas de valeur marchande. Mais cet effort ne doit pas se transformer en un isolement de nos sœurs seules dans leurs foyers. La vie de famille en Palestine est tournée vers le reste de la société, les voisins et la famille élargie. Enfin, les mères ont toujours été parties prenantes de la vie politique.
Enfin, avoir besoin de faire autre chose de temps en temps, quand on a des enfants en bas âge n’est pas blâmable. Au contraire, que ce soit par nos liens de voisinage, de nos familles, de nos amis mais aussi de nos associations et de nos mosquées, répartir la garde des enfants permet à la fois qu’ils apprennent de nouvelles choses, fassent partie de la communauté et resserrent les liens familiaux. Partager le soin aux enfants permet aussi à une maman d’apprendre, de participer mais aussi et surtout de se reposer pour mieux revenir auprès des siens.
Merci Flora pour ce beau témoignage. N’oublions pas que cela existe dans beaucoup de pays musulmans et que tradition et modernité se mêlent dans de plus en plus de pays émergent. Ma famille élargie justement dans les 4 coins du globe m’en parlent. Et je crois que le plus important est de rappeler que par Allah, nous ne sommes pas seules dans ce monde.
Qu’Allah nous aide à faire de chacunes des lumières qui brillent pour Lui.
Habiba.
Merci à toi Habiba pour ton commentaire et ton partage !
BarackAllahoufiki chère Habiba, oui sans connaître les autres pays je pense que c’est assez similaire, à nous de reprendre ou défendre ce fonctionnement qui aidait beaucoup les mamans inchallah ! Comme tu le dis nous ne sommes pas seules et notre religion se vit en communauté, en tribu ;)!
Amin ajma3ine
Salam alaykoum ! Totalement d’accord avec ton article. En France on a l’impression d’être légitime de faire garder son enfant seulement si on travaille. Mais en tant que mères au foyer, 1000 et une raison justifient de faire garder ses enfants aussi parfois : aller à la Poste sans trimballer un cosy+un enfant qui court partout, faire les courses sans avoir un enfant dans le caddie + un cosy dans le caddie et tout porter, avoir un peu de répit, pouvoir passer ses coups de téléphone divers sans un enfant qui hurle pour tenir le téléphone et parler lui aussi, faire ses démarches administratives sur un ordinateur sans avoir un enfant qui vous l’arrache pour faire comme vous et tape sur les touches, et j’en passe.. faire autre chose qu’empêcher l’enfant de renverser des pots du placard ou écrire sur les murs..
Ça fait du bien quand c’est dit !
Lol qu’Allah nous facilite le meilleur équilibre et les meilleures solutions individuelles, communautaires et sociétales.