Vie de famille

La force des mères

Pourquoi trouvons-nous si difficile de nous occuper de nos enfants ?

Je me pose souvent la question et cherche à comprendre pourquoi la plupart des mères (et moi la première) ne se sentent pas reconnues « à leur juste valeur » ? J’ai lu l’article de notre sœur Sister (Si tu le fais pour moi, alors ne le fais pas ! – (desmamansmusulmanesracontent.fr)) et je me suis rappelée moi aussi le nombre de fois où je réclame à mon mari qu’il me reconnaisse et me remercie pour tout ce que je fais. Pourquoi faire toutes ces tâches ne nous suffit-il pas ?

On entend souvent ce discours sur les mamans des générations précédentes qui s’épanouissaient dans leur rôle de mère. Cela semblait évident pour elles : s’occuper des petits, de la maison et de la cuisine, c’était leur rôle et elles en étaient satisfaites. Si j’émettais d’abord des doutes sur ces récits idéalisés de nos mamans en parfaite harmonie avec leurs tâches ménagères – qui n’a pas déjà entendu sa maman ou sa belle maman se plaindre de tous les sacrifices qu’elle a fait pour ses enfants – j’ai tout de même cette impression que notre génération a perdu quelque chose. 

Ma propre maman s’est investie dans son travail et le militantisme plutôt que dans son rôle de mère, alors plutôt que de chercher les traces d’un passé auquel je n’ai pas accès je repars de nouveau en Palestine, là où j’ai dû, moi aussi, prendre en charge les tâches domestiques après mon mariage. Ce qui m’a beaucoup marquée, c’est la valeur accordée à la mère et aux soins des enfants dans la société palestinienne. En plus d’être un pilier des familles quand les enfants ont grandi, les mères de jeunes enfants sont au centre d’un réseau d’entraide qui repose entièrement sur le fait que ce qu’elles font est juste : important.

Je sais que cette injonction à devenir mère – et à avoir toujours un enfant de plus – peut être oppressante. Mais en parallèle, on trouve aussi tout un monde qui tourne autour des enfants, des petits enfants, des cousins et qui donne aux mères une place de choix. Alors que l’on entend toujours à propos des grandes familles palestiniennes – et par extension arabes et africaines – que les femmes seraient contrôlées par l’autorité des hommes, l’idéologie occidentale (et coloniale) est restée aveugle à toute l’organisation quotidienne et la mise en valeur des tâches de soin aux enfants qui rythment la vie de ces familles.

Les femmes sont encouragées à avoir beaucoup d’enfants pour différentes raisons et notamment pour la joie de vivre qu’ils apportent dans un quotidien difficile. Une progéniture nombreuse est un honneur pour une femme qui est moins valorisée en fonction de son travail que pour son rôle de mère.

L’image moderne et occidentale de la maman se limite à caricaturer les côtés négatifs d’un tel système. En effet, cette dynamique peut être pesante surtout pour les femmes célibataires ou celles qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Mais en accentuant à outrance les côtés négatifs, on se sent perdue entre le rôle harassant de mère et l’absence de valorisation dans notre société pour une activité qui nous prend la plupart de notre temps et de notre énergie.

Il faut ajouter pour le cas palestinien, qu’après l’invasion coloniale israélienne sur les terres, le fait d’avoir des enfants et beaucoup d’enfants a pris un caractère politique très important. Des enfants en nombre pour rejoindre les rangs de la lutte armée à l’histoire familiale et nationale qu’elle transmet aux générations futures, le rôle de la mère ne cesse jamais d’être valorisé. Un rôle qui est synonyme de force, d’endurance et de difficultés à surmonter.

Bien sûr rien n’est parfait, et les lignes que j’écris se concentrent sur le côté positif de cette organisation. Mais parfois je me demande à quel point cela nous manque ? Je me rappelle aussi que lors d’une rencontre avec un savant francophone, certaines sœurs, femmes au foyer, se sentaient gênées de n’avoir pas d’autre « casquette » à brandir lors du tour de présentation individuel. Il leur avait alors rappelé avec grande sagesse l’importance de leur rôle et tout ce qu’elles accomplissaient. Alors je me demande si l’on médite assez, pour nous-même, sur les versets faisant référence à la place de la mère et la manière dont Notre Seigneur reconnaît la force de la mère d’y faire face ?

وَوَصَّيْنَا الْإِنسَانَ بِوَالِدَيْهِ حَمَلَتْهُ أُمُّهُ وَهْنًا عَلَى وَهْنٍ وَفِصَالُهُ فِي عَامَيْنِ أَنِ اشْكُرْ لِي وَلِوَالِدَيْكَ إِلَيَّ الْمَصِيرُ
Nous avons enjoint à l’Homme (de bien agir) envers ses parents : sa mère l’a porté de faiblesse en faiblesse, et son sevrage s’accomplit au bout de deux ans, sois donc reconnaissant envers Moi et envers tes parents, et c’est vers Moi que se fera le retour. (V15/S46-Al Ahqaf)

Désormais, je me surprends moi-même à faire un dhikr un peu particulier quand mes journées sont difficiles, je me rappelle toute la valeur qu’Allah a accordé à ce que je suis en train de faire el hamdoulillah. Prendre conscience de cette valeur me rend, je crois, plus sensible à celles qui doivent faire face à l’épreuve de ne pas pouvoir avoir d’enfants et cela me rappelle la patience.

Flora Yousef

Maman de deux petites filles, française installée à Istanbul, Flora a vécu 6 ans en Palestine. Elle est doctorante en sociologie. Son travail de recherche porte sur l’engagement des femmes en Palestine contre le système carcéral israélien.

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2 commentaires

  1. Aïcha a dit :

    Salam alaykoum
    Magnifique article !
    C’est cette prise de conscience collective à laquelle nous devons participer.
    Une prise de conscience dont découleraient je pense bien plus de respect, de mise en place de systèmes d’aides et d’entraide, dans la société occidentale. À l’image de la société palestinienne donc !
    Sans obliger personne à se limiter à ce noble rôle, mais en donnant à chacune les moyens de s’y épanouir, de la manière dont elle le souhaite.
    BarakaLlahoufiki pour ton partage !

    1. Flora Yousef a dit :

      Wafiki barackAllah chère soeur, oui je pense que c’est important de renforcer l’importance de ce rôle, mettre le soin des enfants (et par extensions des personnes dependantes : anciens, en situation de handicap ou malade par ex) au centre de la société pour que ceux/celles qui s’en occupent soit épaulés ! Et ça doit aussi passer par nous et notre cheminement et Allah nous facilitera inchAllah !

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