On sait indéniablement que nous ne sommes pas la même personne en fonction de la personne qui est face à nous. On sait combien l’autre fait, façonne qui on est.
C’est encore plus vrai quand on est maman, quand nos enfants grandissent, que leur personnalité commence à s’exprimer.
Maman d’un premier garçon de 9 ans qu’on a souvent entendu dire qu’il était « atypique », je pratique la « gymnastique comportementale » à longueur de journée.
Je m’explique. C’est un enfant qui va malgré lui suivre toutes les discussions qui ont lieu autour de lui, même s’il est en apparence très occupé. Il va ensuite vous interroger sur des problématiques précises qu’on croirait presque parler à un ado de seize ans. Et dans les cinq minutes qui suivent, vous allez lui annoncer que non, la boîte d’ordinateur qu’il a aperçue dans le placard ce n’est pas un cadeau pour lui, mais bien la boîte vide de votre ordinateur qu’il connaît bien. Et là, c’est le drame! Un ouragan émotionnel l’emporte et il est littéralement à terre. Irraisonnable.
Et vous observez cette scène absurde complètement abasourdie. Caprice d’enfant me direz-vous ? J’y ai longtemps cru moi aussi, jusqu’au jour où j’ai compris que le premier à souffrir de cette tempête intérieure c’est lui.
J’ai alors compris que la meilleure chose à faire était de laisser passer la tempête, et revenir parler avec lui plus tard, quand le soleil sera revenu dans son être. Et je constate qu’à force de patience et d’écoute, il apprend lui-même à déceler les premières bourrasques et se protéger de sa propre tempête. Et les crises finissent par s’espacer.
C’est typiquement un enfant qui a besoin de beaucoup de repères dans sa journée, et un cadre plutôt ferme.
Bienveillant quand je suis la seule adulte présente, bien moins quand nous sommes deux, car nous ne partageons pas exactement la même vision de l’éducation avec mon conjoint. Pour lui, c’est simple, la bienveillance est trop souple, l’enfant y trouve des failles qu’il va tirer à son avantage. Alors l’option la plus sûre c’est de reproduire un schéma éducationnel bien connu : celui qu’on a reçu.
Et c’est indéniable, en tant que maman, on se sent déchirée. Déchirée entre la conviction de vouloir être bienveillante, et d’aller à son rythme à soi, et la tentation d’aller au plus vite, sans chercher de conflit avec son conjoint. On opte alors pour le plus rapide, on gronde une bonne fois, parfois on menace d’une fessée et l’enfant marche droit !
On parle d’alliance sacrée des parents. Et je suis convaincue que les enfants doivent nous voir comme une équipe qui mène la famille, ensemble. On ne doit pas laisser transparaître de désaccord concernant l’éducation, sinon c’est la porte ouverte à des négociations en tout genre de la part des enfants. « Maman, elle au moins, elle est gentille. » « Non, mais papa de toute façon c’est sûr qu’il va dire non. » Etc.
Nous sommes pris dans un tourbillon de vitesse aujourd’hui. Tout va vite. La nourriture doit aller vite. On zappe quand un film ne nous plaît pas. On binge-watch des séries entières en quelques bouchées, quelques soirées, vitesse 2. Et même nos familles sont sacrifiées sur l’autel de la vitesse.
Nous sommes sans être. Avec nos enfants sans véritablement être avec eux. Nos esprits sont ailleurs. Dans notre liste de courses, dans notre série entamée la veille, dans notre boîte mail, dans notre travail… la fameuse to-do list !
Et on se berce avec l’illusion de tranquillité, de « quand ils seront couchés ».
Nous n’avons plus la patience d’être avec eux. Nos cerveaux, sujets à longueur de journée de sollicitations, de divertissements en tout genre, perdent petit à petit leur capacité à s’ennuyer et à se concentrer.
Et on passe à côté de l’essentiel.
Qui pourrait dire que l’éducation d’un enfant c’est facile, c’est rapide ? Quel parent pourrait se vanter de dire que lui, il n’a pas besoin de répéter ? L’éducation c’est long, c’est lent. A plus forte raison quand on veut que ce soit fait dans la douceur.
Un jour, on m’a offert la métaphore de l’éducation sous cet angle : il y a les parents jardiniers, et les parents sculpteurs. Ceux qui vont donner à leurs enfants l’environnement favorable à leur épanouissement et les regarderont grandir, et ceux qui vont les tailler à coups de marteau et les façonner à leur guise, au risque de porter le coup de trop et de les briser.
En écrivant ces lignes, me vient une autre image, l’image d’une poterie. On nous confie un bloc d’argile compact et difforme qu’on va accompagner dans sa forme à force de douceur et de chaleur des mains. Et si on lui porte un coup trop dur, trop franc, il faudra du temps et du travail pour l’arrondir, le lisser harmonieusement. Alors avec patience et douceur, on rectifie les lignes éducationnelles trop rigides, on arrondit les angles, on corrige nos comportement parfois inadéquats.
Alors oui, il est parfois dur de garder son identité de parent face aux regards des autres, mais je suis convaincue d’une part, que c’est la meilleure façon de ne pas être en conflit avec soi-même – combien de fois je me suis détestée d’avoir porté ma voix trop fort au point de lire la terreur dans les yeux de mes enfants – et d’autre part, de ne pas se perdre dans un schéma parental qui n’est pas le nôtre.
Et souvenez-vous, le regard qu’autrui porte sur vous restera avec lui, et le regard que vous vous portez sur vous-même, lui, vous suivra. Et le retour en arrière est d’autant plus difficile qu’on reste longtemps dans un schéma différent du nôtre.
Et rappelons-nous qu’il nous est une chose précieuse dont nous ne mesurons pas la force et l’impact : l’intention.
Quelle est mon intention vis-à-vis de ces êtres qu’Allah m’a confiée ? Sont-ils là pour moi, à moi ? Ou suis-je là pour les accompagner, tenter de les guider sur une voie, que notre Créateur a voulu sans équivoque, mais qu’Il nous a transmis à travers le plus pédagogue et le plus doux des éducateurs, notre Bien-Aimé Mohammad (sws).
Alors, comme dans bien des situations, nous ne parviendrons pas à atteindre son niveau, mais efforçons-nous de nous inspirer, de nous rapprocher de ses comportements.
Magnifique article😍😍. Qui me fait bien réfléchir : « nous sommes sans être »….😔. La métaphore de l’éducation, parents jardinier/parents sculpteurs est très parlante. QuAllah nous facilite dans l’éducation de nos enfants 🤲🥰
Amine ajma’ine !
Oui belle métaphore qui décrit bien le type d’éducateur que l’on peut devenir !