Vie de famille

Si tu le fais pour moi, alors ne le fais pas !

Maman de deux enfants, j’ai raconté durant mon premier post-partum comment la naissance de mon premier enfant a bouleversé mon quotidien. Je voulais partager mon ressenti pour faire connaître certaines réalités de la maternité. AlhamdouliLlah, les échanges et discussions autour de mes articles (disponibles en description) et avec des mamans, depuis, m’ont permis de mieux appréhender mes besoins et de m’épanouir davantage dans ce rôle. Je souhaite donc continuer à partager mes réflexions à travers cette super initiative qu’est le blog DMMR.

Concernant la maternité, je suis passée par plusieurs phases : la surprise (de la difficulté), la culpabilité (de ne pas réussir comme les autres mamans), l’épuisement physique et psychologique (manque de sommeil ET de temps libre), le fait d’en vouloir à mon mari et à la société (de ne pas comprendre assez ma souffrance, et de ne pas mettre en place les moyens nécessaires et adaptés). Après avoir constaté, m’être plaint, avoir critiqué, j’ai fini par réaliser que c’était insuffisant, que ça n’allait pas changer du jour au lendemain et qu’en attendant, il devenait vital de me prendre en main et de composer avec les solutions existantes. Même si les constats que j’avais faits étaient bien réels, il fallait avancer malgré le contexte : une société non adaptée à la maternité et une tâche très difficile, très peu valorisée.

Avec l’aide de Dieu, à force de chercher et de faire des choix sur la base de mes besoins propres, j’ai fini par trouver une sorte d’équilibre, en tous cas de bien plus m’en approcher qu’auparavant. Cet article est donc un retour d’expérience et de réflexions sur la maternité.

Un jour, alors que j’avais très mal dormi la nuit car ma fille s’était réveillée plusieurs fois et que je n’avais même pas essayé de faire la sieste avec elle (de peur qu’elle ne me réveille au bout de 15 minutes), j’avais quand même pris sur moi pour faire le ménage à fond. Quand mon mari est rentré du travail, j’attendais de lui qu’il souligne tous les efforts faits ce jour-là, qu’il s’occupe du bébé pour le reste de la soirée et qu’il réponde favorablement à toutes mes demandes dans l’instant présent. Qu’il soit au garde-à-vous étant donné que j’avais galéré, car je méritais de me reposer après la journée difficile que j’avais passée.

Le hic, c’était qu’après sa journée de travail, il était aussi fatigué. Il m’a aidée avec le bébé, mais quand il me l’a rendu, et qu’il a voulu se poser sur le canapé pour regarder son téléphone, j’ai explosé en reproches en lui disant que moi j’avais fait telle et telle chose ce jour-là, que lui n’en avait pas fait autant, qu’il ne remarquait même pas mes efforts, qu’il devait en faire beaucoup plus etc. Ce genre de scène s’est reproduit plusieurs fois pendant des semaines car mon sommeil étant de piètre qualité la nuit comme la journée, mon humeur et ma patience l’étaient aussi. La privation de sommeil me faisait voir le monde en noir. J’attendais de mon mari qu’il force, qu’il se tue à la tâche en rentrant et qu’il n’ait aucun répit comme ça avait été mon cas la journée avec un bébé qui se réveillait 5 fois par nuit et faisait des micro siestes. 

Puis un jour, il me répond alors que je lui parlais du ménage que j’avais fait et que lui en avait fait moins etc. : 

 » Mais attends, moi je t’ai rien demandé. Si tu fais le ménage pour moi, ne le fais pas, surtout si c’est pour me le faire payer après ! »

Cette simple phrase a été le départ d’un changement de manière de procéder dans ma vie et je le remercie encore. Cette phrase m’a mis une claque dont j’avais besoin.

Pour résumer :

– mes intentions n’étaient pas claires : je faisais des efforts difficiles dont j’attendais une reconnaissance tellement grande qu’il était impossible de me l’accorder (vivre normalement avec un sommeil en miettes et assumer la charge du foyer).

– je reprochais à mon mari de ne pas souffrir comme moi (son aide le soir ne suffisait pas, et j’avais besoin d’aide la journée).

– j’ai fini par être aigrie pendant des semaines en manque de sommeil à lui en vouloir et à pleurer tous les soirs alors que de base c’était ma volonté de tout gérer moi-même (ménage, cuisine, allaitement, enfant, éducation) et j’en étais la seule responsable.

Depuis ce jourlà, j’ai donc décidé que je ne me sacrifierai ni pour mon mari, ni pour mes enfants, car je ne l’assumerai pas après et risquerais d’être déçue en attendant une reconnaissance qui peutêtre ne viendrait jamais (que Dieu m’en préserve), en tous cas, pas à la hauteur de mon sacrifice.

J’ai décidé que si je faisais un effort quoiqu’il arrive je l’assumerai, qu’on le voit ou non, qu’on me remercie ou pas, et que je ne voulais pas vivre avec des regrets ou une déception. Je me suis rendue compte que ni moi ni mon mari n’avions besoin de souffrir car nous pouvions chercher une aide extérieure et que ce n’était pas Dieu qui m’imposait une telle charge.

La logique de ne pas vouloir se sacrifier n’était pas présente dans mon entourage ou alors les mamans ne vivaient pas les choses comme moi et relativisaient plus facilement. Mais quand je parlais du manque de sommeil, on me disait « tu as vu comme c’est dur la maternité » ou encore « tu comprends mieux pourquoi le Paradis est sous les pieds des mères ! ». Cette banalisation de la difficulté, cette nécessité du sacrifice pour être mère ne me convenait pas personnellement car je n’avais même pas exploré toutes les solutions pour m’en sortir et mieux vivre ces moments. Patienter dans ma souffrance en attendant qu’elle passe d’elle-même et en faisant semblant de l’ignorer, cela me paraissait contradictoire avec le fait que Dieu ne nous impose pas de souffrir et que l’on doive chercher des solutions. On me disait aussi que ça allait passer, qu’il fallait quand même profiter de mon bébé malgré la fatigue, car même ces réveils nocturnes et cette galère allaient me manquer. On me disait encore que dès que j’accepterais cette privation de sommeil, ce manque de temps pour moi, bref que ma vie ait changé, je le vivrais mieux. 

Et après coup, ma vision est totalement différente. Dieu ne nous interdit pas d’essayer de nous sortir des épreuves qu’Il nous donne, bien au contraire. Quand on manque de sommeil et qu’on frôle la dépression, non il ne faut pas l’accepter. Il faut trouver un moyen de dormir. Non, quand on manque de temps pour respirer et qu’on a un enfant avec des besoins intenses, qui ne dort pas, on se fait aider, on le fait garder, pour éviter un burn-out. Ou autre, mais on ne reste pas dans une souffrance intense pour le plaisir alors que des solutions existent.

De mon point de vue en tous cas, car on est toutes différentes et on ne vit pas les choses de la même façon. Les enfants étant aussi tous différents, ils ne font pas vivre les mêmes choses à leur maman.

Et finalement, avec un peu de recul, ça ne me manque pas du tout de manquer de sommeil car je ne vois pas comment la souffrance pourrait me manquer. Je me souviens encore essayer de sourire à mon bébé et la regarder jouer alors que je n’avais pas aligné 3h de sommeil de suite. Non, le bonheur d’avoir un enfant ne me faisait pas oublier la difficulté. Je me rappelle du cerveau en miettes que j’avais toute la journée et de ne plus pouvoir ni me reposer ni me concentrer pendant des mois et des mois. Si la plupart le faisaient, pour ma part je ne l’ai pas accepté et j’espère ne jamais l’accepter. Cela me paraît maintenant tellement évident. Mon corps et mon âme avaient un droit sur moi, au même titre que mon enfant et mon foyer.

J’ai dû me détacher de la comparaison aux autres pour pouvoir trouver mon propre équilibre et alhamdouliLlah, Dieu me l’a facilité. Quand je parle du fait d’avoir plusieurs enfants maintenant, on me dit que c’est très difficile et que ça risque d’être très compliqué surtout pour moi qui ai eu beaucoup de difficultés avec la première. Ce à quoi je réponds que si une difficulté se présente, il y aura forcément une solution, avec l’aide de Dieu. À condition d’être honnête avec soi-même, de prioriser ses objectifs, savoir ce qui nous importe réellement, ce que l’on peut ou veut déléguer ou à l’inverse, ce que l’on veut quoiqu’il arrive assumer soi-même.

Les modèles résultants sont ainsi tous différents et alhamdouliLlah quand je vois ma vie maintenant, je me dis qu’elle correspond quand même beaucoup plus à mon idéal qu’au début, même si mon enfant n’a pas vraiment changé et que la deuxième a pointé le bout de son nez.

Mon équilibre actuel résulte des réflexions suivantes :

– je n’assumerai jamais sur du long terme des sacrifices faits pour un être humain, donc je ne vais pas en faire autant qu’avant. Et un sacrifice pour Dieu c’est un choix que l’on fait, c’est noble, on n’y est pas contraint.

– je n’ai pas besoin de me sacrifier quand j’ai le choix : par respect pour la santé que Dieu m’a donnée, je ne le ferai pas.

– ma fille n’a pas besoin que je me sacrifie (que je souffre disons-le) pour être une bonne mère car elle ressent mon mal-être quand je suis avec elle toute la journée sans répit. Alors que quand mes besoins fondamentaux sont respectés (sommeil + temps libre pour faire autre chose), je suis à fond avec elle et je sais que même si elle me demande énormément d’attention, j’aurai ensuite du temps seule pour souffler. Et en mon absence, elle passe du temps avec des personnes réellement disponibles pour répondre à ses besoins, pas une maman qui pense juste à comment aller dormir ou à tout ce qu’elle a à faire et qui ne profite même plus de sa présence.

Ma règle, quand je suis à la maison avec les enfants : le matin je suis à fond avec elles notamment la grande ; l’après-midi, je le réserve pour moi et je la fais garder (sieste et temps libre), elle passe la fin d’après-midi avec son papa et le soir on se retrouve en famille.

Et si vous me croisez dans la rue un jour, vous comprendrez pourquoi même avec 10 enfants je serai inchaaLlah de bonne humeur, et reposée ! Je suis désormais déterminée à bien vivre la maternité quelles que soient les circonstances et alhamdouliLlah, c’est le cas actuellement.

Les solutions qui m’ont aidée (la principale étant de faire garder) sont récapitulées dans mon dernier article en description. Si vous en voyez d’autres, je suis toujours preneuse ! D’autres défis sont bel et bien là. Je suis noyée dans ma to-do list au point d’être devenue un poisson. Mais un poisson heureux et en forme alhamdouliLlah ! 

En bref, prenez soin de vous. Et votre bonheur rejaillira sur tout ce qui vous entoure inchaaLlah.

Soeurellement !

 

Vous trouverez  mes premiers articles en cliquant sur les liens ci-dessous : bonne lecture ! 

Sister

Sister est maman d'une fille de 2 ans et une autre de 3 mois.
Passionnée par l'écriture lorsqu'un sujet lui tient à cœur, elle a rédigé plusieurs articles sur le thème de la maternité avant d'être rédactrice pour le blog.
Interne en médecine, elle alterne sa formation avec des congés parentaux pour profiter de chacun de ses enfants. Pour avoir fait les deux, elle vous le garantit : travailler comme maman au foyer est bien plus complexe que de travailler à l'hôpital !

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5 commentaires

  1. Super article ! 🔥
    Il pose la question de l’isolement des mamans et de la non-reconnaissance de ce qu’elles font tous les jours pour leur foyer. L’isolement fait qu’on agit souvent dans l’indifférence totale et l’invisibilité sociale. Oui, on n’est pas vues dans ce qu’on fait, donc pas valorisées donc pas reconnues… y a de quoi déprimer quand même ton mari ne voit pas ce que tu fais ! Il fut un temps où la communauté autour des mères jouait ce rôle de valorisation.
    El hamdoulillah en tant que croyante, on sait pourquoi on galère pour nos enfants, et que notre reconnaissance est à chercher auprès de Dieu!
    Cet article a aussi le mérite de nous inviter à nous poser la question: « quelle maman je veux être et non celle que je devrais être ».

    1. Sister a dit :

      BarakaLlahoufiki !
      Oui d’un côté il y a un grand travail de sensibilisation à faire autour de la condition des mères au foyer, et de l’autre on réalise que tant que quelqu’un ne vit pas la même épreuve que nous, il lui sera difficile de comprendre réellement ce que l’on peut ressentir.

      Et surtout la communauté autour des mères allegeait énormément la charge, permettait une interaction sociale quasi-permanente et donc la charge mentale notamment de surveillance de l’enfant par plusieurs, etc. Être seul face à un enfant avec des besoins intenses 24h/24h sans répit est trop difficile, pourtant c’était ce que je pensais faire au début. Il y a tellement à dire sur la question et alhamdouliLlah que la parole se libère car la première étape du changement c’est bien d’en parler. Quand on voit que même des « célébrités » sont en galère totale aussi à pas pouvoir prendre une douche (lol) on se dit qu’on est toutes logées à la même enseigne et que la prise en charge sociétale de la maternité est complètement inadaptée.
      Après quand on se sacrifie ou que l’on sacrifie quelque chose pour Dieu généralement on le vit mieux car on sait pourquoi on le fait, on est déterminée, on ne se plaint pas beaucoup car on l’a choisi et on l’assume mieux. En ce qui me concerne j’ai voulu sacrifier une partie de ma vie (baisse de revenus, allaitement exclusif, une partie de mon sommeil, une partie de mon temps libre etc.) mais ce sont des choix. En revanche la totalité de ma vie et ma santé psychologique je refuse de les sacrifier car je n’en vois pas l’intérêt ni pour mon mari ni pour mes enfants, bienn au contraire !
      Qu’Allah nous accorde la juste compréhension et le juste milieu <3

  2. […] Si tu le fais pour moi, alors ne le fais pas ! […]

  3. Salam aleykoum
    Je vis un moment difficile mais al hamdouliLlah j’ai eu le souvenir de cet article, et j’ai réussi à le retrouver
    Il m’avait ouvert de nouvelles perspectives, le relire me confirme le travail qu’il me reste à faire pour accepter que « se sacrifier » (= souffrir) n’est pas louable, quoi qu’en dise le mari, la belle-mère/soeur, la voisine etc
    Qu’Allah vous récompense
    Barak Allahu fik

    1. DMMR a dit :

      Barakallahoufiki Léa pour votre partage. Ravies que cet article vous ait fait du bien un moment où vous en aviez besoin.

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