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Vie spirituelle

Une maman est aussi une croyante qui chemine

Il y a deux nuits, allongée sur le plancher de la chambre de mes filles, à côté du lit de ma deuxième, T. deux ans et demi qui se réveille à nouveau plusieurs fois par nuit, j’ai pensé à écrire les lignes qui suivent. Absolument épuisée, au bord de l’énervement, je me débattais intérieurement pour ne pas sombrer en calculant le nombre d’heures de sommeil qu’il me resterait et déprimant déjà en pensant à l’état de fatigue qui allait être le mien le lendemain. Je dressais silencieusement la liste de tout ce que je ne pourrais pas accomplir le lendemain et ma frustration enflait. Et puis dans cette position si inconfortable, je me suis rappelée : “et si je faisais un peu de Dhikr” ?

 

Subir son rôle de mère ? 

On a toutes, et régulièrement, ces journées, ces nuits où l’on ne fait quasiment que « subir » ce rôle de mère, où on tente désespérément de maintenir le cap, de ne pas (trop) s’énerver contre nos enfants et de répondre à leurs besoins du mieux que l’on peut. Que l’on travaille à temps partiel, à temps plein ou que l’on prenne en charge le foyer, on est toutes parfois – souvent – dépassées. Vous savez bien, ces journées où n’ayant pas eu la force de cuisiner (ou face au refus de notre purée de panais/chou-fleur à l’indice diététique hautement reconnu) on finit par les nourrir de biscuits. Ces matins où l’on glisse un paquet de chips dans le sac du plus grand n’ayant pas pu lui préparer un goûter, et puis toutes ces nuits si difficiles qu’une larme de fatigue coule pendant que l’on berce nos petits.

 

Comment accepter et tenir le cap? 

La première chose à dire c’est que c’est normal, on est toutes dépassées par le fait d’être mère, c’est une bénédiction, mais c’est épuisant. Et la deuxième chose à rappeler avec force à nous même, entre nous et à toutes les mamans que vous croisez : cela va passer. Ils vont grandir, ils vont manger, ils vont dormir; un jour il n’y aura plus de couches, tout cela va passer inchAllah. L’enjeu reste donc maintenant et pour nous même : comment on tient ? Comment fait-on pour ne pas sortir de ces années de la petite enfance avec un cœur plein de regrets et d’amertume face aux efforts fournis dans une époque où les mères sont si peu mises en avant, toutes coincées dans leur foyer qu’elles seraient ? 

Il faudrait sûrement commencer par discuter de tout ce que l’on devrait mettre en place au niveau des familles, du voisinage ou encore de la société pour aider les mères dans ce rôle si fondamental, mais ce sont des solutions à moyen, voire à long terme et parfois c’est juste impossible. Il y a deux nuits : il n’y avait que moi pour rester auprès de ma fille (mon conjoint travaillant de nuit, je gère seule les nuits) et il n’y avait que moi pour étudier le lendemain (je suis étudiante). Et ce dont j’avais besoin, c’était juste de tenir. Je ne crois pas trop aux solutions miracles pour le sommeil des enfants, souvent on fait ce qu’on peut, on tâtonne, on essaie quelque chose puis la nuit on change, on improvise. Et cette rhétorique assommante du  « Il faut faire ceci » est souvent exaspérante : on fait ce qu’on peut.

Plutôt donc que de chercher à comment « ne pas avoir à rester allongée sur le sol pendant une heure », j’ai commencé depuis plusieurs mois à me demander : comment accepter et tenir ? Dans la narration bien connue sur la plainte de Fatima (Que Dieu soit satisfait d’elle) à son père notre Noble Prophète (Paix et bénédictions de Dieu sur lui), celle-ci épuisée par le travail du grain, demande à avoir un serviteur pour la seconder. Le Prophète (Paix et bénédictions de Dieu sur lui) lui recommande alors de dire avant de dormir: Allahou Akbar 34 fois, Al Hamdulilah 33 fois et enfin Soubhannallah 33 fois. 

 

Le dhikr, une clef pour s’apaiser

Ici, je ne cherche pas à dire qu’il ne faut pas trouver des solutions pour déléguer, j’insiste. Mais ce que m’inspire cette narration, c’est que de la même manière que le dhikr -l’évocation de Dieu-  nous aide à nous protéger de la colère, de la mauvaise réaction, il est une clef primordiale pour tenir, pour gérer ces sentiments parfois douloureux que l’on ressent en accomplissant nos tâches maternelles. Plutôt que de cacher la réalité derrière ce mythe d’une maternité idyllique ou dans laquelle on devrait forcément et tout le temps être comblées, je nous rappellerais : attachons-nous ensemble fermement au pacte d’Allah pour naviguer dans les méandres du soin aux enfants. La maternité est une épreuve et dans l’épreuve Dieu nous appelle à revenir vers Lui.

Le dhikrdans ces moments, me permet de m’apaiser, pas complètement, mais de ne plus être dans cette effusion intérieure où je ne me maîtrise plus. Cela me permet de donner un peu de sens dans ces moments où je n’en trouve plus. Et puis en répétant cette adoration, je commence à ressentir que cela me permet de mieux gérer ces nuits et ces journées chaotiques. J’écoutais l’intervention de Najwa Awad, thérapeute musulmane américaine et mère de 4 enfants, qui rappelait l’importance du dhikr pour notre état mental. Elle parlait aussi de ces journées où, de fatigue, la seule chose qu’elle parvenait à accomplir c’était ses 5 prières. Elle concluait : à la fin de ma journée, même si je n’avais rien accompli de “mondain”, finalement j’avais en fait accompli l’essentiel : adorer Dieu comme Il le demande.

Au moment où je dois rester éveillée en plein milieu de la nuit, où je ressasse tout ce que j’ai mal fait pour que ma fille ne dorme pas encore correctement, je fais un peu de dhikr et le matin j’ai cet incroyable sentiment intérieur : Allah a vu, Il a entendu et j’étais en lien avec Lui. Cela vaut aussi pour les invocations et les supplications, dans ces moments où il faut tenir et qui mieux que Lui peut nous aider à tenir ? 

Enfin, le verset parle de s’accrocher en groupe, alors je remercie Allah d’avoir inspiré les fondatrices de ce blog pour l’espace de partage et de bienveillance en Dieu qu’il va inchAllah ouvrir. Et dans le même esprit, avant de donner des tips ou de rappeler à une maman qui souffre ce qu’elle aurait dû faire, suivons l’exemple du Prophète (Paix et bénédictions de Dieu sur lui) : accueillons et reconnaissons son épuisement et rappelons-lui (et à nous) comment tenir là maintenant, tout de suite

Et demain, mais ce sera l’objet d’un autre article, cherchons à mieux reconnaître la charge accomplie par les mamans puis à trouver des moyens ensemble de les (nous entre-) aider inchAllah. 

Et rappelons-nous, après la difficulté vient la facilité : cela va finir par passer inchAllah.

 

Flora Yousef

Maman de deux petites filles, française installée à Istanbul, Flora a vécu 6 ans en Palestine. Elle est doctorante en sociologie. Son travail de recherche porte sur l’engagement des femmes en Palestine contre le système carcéral israélien.

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3 commentaires

  1. Hidaya a dit :

    Ça fait du bien de lire ce texte très touchant et qui dégage bcp de sincérité.
    Bravo pour ce blog qui répond à un grand besoin je pense. Merci

    1. DMMR a dit :

      Merci Hidaya pour ton commentaire et tes encouragements !
      On espère que ces textes soient utiles et inspirants.

  2. Salam alaykoum !
    Totalement d’accord avec ce que tu dis.
    On est vraiment nombreuses à passer par les mêmes phases, par les mêmes sentiments, et effectivement le Dhikr nous console quand le cerveau est fatigué et qu’on voulait par exemple lire du Coran, écouter un rappel mais qu’on est pas en état. Un rappel qui m’avait fait beaucoup de bien, dans ce sens, c’est que toutes les adorations, à commencer par la prière, ont pour objectif le Dhikr de Dieu, se rappeler de Lui. Donc même si comme tu dis on arrive pas à en faire d’autres, si on parvient à se souvenir de Dieu par ce biais, on a atteint l’objectif principal wAllahoua3lam en pensant à Lui et en Le mentionnant.

    Totalement d’accord aussi pour le fait de chercher des solutions à toute cette souffrance physique et psychologique. Dieu nous donne des sababs, il veut pour nous la facilité, et à nous de chercher comment alléger notre charge pour rester une source de bienveillance pour les notres sur du long terme et préserver notre santé.

    BarakaLlahoufiki pour cet article

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